LA CONQUETE D'ANTHAR
par Marcel Roland, Pierre Lafitte & Cie, Paris, 1913.
Résumé : Ce livre renferme l'épisode final de la trilogie démarrant avec le "Presqu'homme" qui introduit les pongos, des simiens parlants qui tendent vers le sapiens, et le "Déluge futur" qui plante le décor d'un monde submergé où ne subsiste, à notre connaissance, en guise d'êtres humains que les occupants d'un vaisseau à ailes battantes amphibie, le Triton et leur attirail de fusils électriques marchant au radium. Il y a Antoni, le savant, Delange, son ami, mademoiselle Eva et Bonin, le fidèle compagnon. Anthar est cette île inconnue des cartes sur laquelle les pongos durent aborder pour fuir Bornéo et la guerre que leur livrèrent les hommes.
L'un des leurs a été dans un épisode précédent emmené chez les humains et est devenu un héros chez les siens ; ils causent donc tous plus ou moins bien le français, alors que les rescapés humains munis d'un dico humains-pongos vieillot ne peuvent que les saluer de stridents "Tarru Pongos" (bonjour, les pongos). Après avoir sauvé Miaü, la pongote, du sacrifice au Soleil auquel la destinaient les siens, les rescapés du Triton se bâtissent une maison-forteresse avec l'aide de pongos amadoués par la pacotille occidentale et surtout par le tabac, germe perfide de la décadence.
Le conflit entre sapiens et pongos est-il irrémédiable ? Laquelle des deux races régnera sur cette terre épargnée par les flots ? Apparemment, Ouifft, le grand chef des Ipranaxou (les presqu'hommes comme les pongos se désignent eux-mêmes) est prêt à négocier, mais il s'empare de Delange et d'Antoni par traîtrise et les jette dans une grotte sans fond. Car, notre pongo en chef a des vues sur cette chère Eva. On apprend incidemment que les pongos ont la fâcheuse habitude de manger leurs vieillards dont les chairs concassées servent de garniture à l'aliment favori des presqu'hommes ; ainsi l'ordonne la tradition sur laquelle cette ordure d'Ouifft a assis son pouvoir.
Après être sorti de leur oubliette en partie grâce à la lumière d'un lézard phosphorescent, nos héros s'échappent grâce à l'intervention aérienne de Bonin et de pongos hâtivement promus fusiliers électriques. Tous s'en retournent à la forteresse. Hélas, Eva a été enlevée par Ouifft et ses séïdes. Antoni et Delange, qui l'aiment tous les deux, partent à la rescousse de leur amie avec les pongos opposés à Ouifft. Ils attaquent le camp des presqu'hommes en jetant quelques bombes intra-atomiques silencieuses du haut du Triton, mais sans pouvoir libérer Eva, prisonnière d'une caverne sous le volcan.
Pendant ce temps, Bonin a eu la fâcheuse initiative de distiller de l'alcool, ce poison de l'âme et du corps. Il lui prend des rêves de grandeur ; il se voit déjà empereur de l'île. Antoni et Delange parviennent à le maîtriser à leur retour, mais l'infâme ivrogne s'enfuit pour offrir ses services à Ouifft. Revenu de son ivresse, il n'a plus qu'à se racheter en sauvant Eva au péril de sa vie. Bonin meurt donc et Miaü, la pongote libère l'île de Ouifft d'un coup de poignard bienvenu. Nos héros vont-il pouvoir couler des jours heureux dans l'île. Et bien non, car les grandioses projets d'Antoni lassent Eva et Delange. Le savant devenu taciturne fabrique en grand secret une bombe intra-atomique de forte dimension et profitant que ses deux amis sont partis dans le Triton pour un vol de promenade, il détruit l'île d'Anthar. Le roman se termine sans qu'on sache ce qu'il advint d'Eva et de son soupirant.
Note : Belle prémonition que de décrire en 1913 l'utilisation par la voie des air d'une bombe intra-atomique qui recèle du Rien ; c'est-à-dire, l'énergie pure issue de la dématérialisation constante du radium hâtée par la lumière.
© Jean-Louis Brodu 2003